vendredi, octobre 24, 2008

Fromages et saké - magie des fermentations

Il n'y a que Slow Food pour vous offrir des occasions comme celles ci. Imaginez plutôt confronter lors d'une dégustation la magie de l'univers des fermentations naturelles lactiques (fromages) et du riz (saké).

Initié il y a quelques temps au monde du saké (lire ici), j'ai cette fois eu cette chance d'assister à un atelier du goût Slow Food organisé lors de la dernière édition du Salon du Goût à Turin (23-27 octobre 2008).

Pour bénéficier au mieux de cette confrontation (amicale) entre ces deux univers, le choix a été fait de ne recourir qu'à des producteurs utilisant des méthodes au plus près de la nature: levures naturelles (koji ou lactique) , matières premières biologiques (riz et eau; lait). Ainsi la maison de saké Terada Honke (Daruma Masamune) que le maître affineur Hans Baumgartner, véritable militant de la biodiversité et créateur de fromages, n'utilisent que des méthodes de fabrication artisanales et minimisent au maximum les interventions humaines.

Les fromages ont été dégusté dans le sens des aiguilles d'une montre à partir du cure-dent (voir photo ci-dessous). Tous les sakés ont été servis à température ambiante.
  1. Mise en bouche: chèvre frais et thé Gyokuro
    Un thé vert japonais rare et très délicat à préparer. Un thé à la texture de cashmire, de soie qui se marie à merveille à la texture tout en fraicheur de ce chèvre aérien

  2. Saké Hanayurana (Terada Honke) avec un chèvre à croûte fleurie au coeur de chocolat fondant 80%
    Un saké titrant seulement 10.4% d'alcool, de 8 ans d'âge (minimum). Un saké aux odeurs oxydatives qui offre une légère rondeur et une finale épicée. Le mariage est particulièrement heureux avec ce chèvre où la croûte laisse vite place à un tendre crémeux et un surprenant craquant du coeur de chocolat qui fait écho aux quelques notes épicées du saké

  3. Saké Daruma Masamune Junmai 2006 (env. 30€ les 500ml) avec une pâte pressée non cuite au cumin
    Un saké titrant 16.9% d'alcool. D'une robe plus foncée que le précédent, il se démarque complètement par son régistre très floral (fleur d'oranger, gentiane) et d'anis. L'accord entre anis et cumin est spectaculaire de justesse

  4. Saké Daruma Massamune Assemblage 10 ans (env. 50€ les 500ml) avec une pâte pressée cuite
    18% d'alcool. Un saké encore plus foncé que le précédent (à gauche sur la photo ci-dessus). Un saké au nez de rancio et de chocolat. Le monde oxydatif du saké dialogue très bien avec la pâte pressée cuite

  5. Saké Daruma Massamune Koshu 1979 (env. 200€ les 500ml) avec une pâte pressée cuite et un bleu
    Saké titrant 17.8%. Un saké exceptionnel (production de 200 bouteilles). D'une couleur maron café (à droite sur la photo ci-dessus), ce saké offre une compléxité olfactive inouie: cacao, toasté, herbes aromatiques, iode. La bouche est un crescendo de saveurs épicées et subtiles. Il impressione par sa matière et sa longueur sur des notes chocolatées. Il tient parfaitement tête à un fromage bleu, mais je dois dire que je l'ai plus apprécié seul. Un vrai honneur d'avoir pu goûter un tel saké!
Conclusion: Fascinant de voir la rencontre de deux mondes fermentaires. Comme si la diversité de la flore bactérienne permettait des "ponts de saveur" entre des produits a priori d'origine très différente. Ca ouvre la porte à de nouvelles dégustations transversales où les fermentations agissent comme liant (bière, pain, thé noir ou wulong, pâte levée, choucroute, surströmming...)).