Mes premiers "pas" en dégustation ont été marqués, comme beaucoup sans doute, par des vins explosifs, démonstratifs (du fruité à gogo!), généreux, riches (équilibre haut entre tannins, alcool et concentration), ainsi que par la douceur et le moelleux de vins blancs faciles. Je pense à certains Faugères en macération carbonique, à certains Gewurztraminer à "l'eau de rose", à certains Coteaux du Languedoc, à certains Amarone et certains Châteauneuf du Pape. En somme, des vins qui jouent sur la première impression, qui en imposent mais qui se révèlent être de faux-séducteurs. Ce sont ces mêmes vins qui à notre plus grand étonnement (caché) s'oublient vite et qui comme par hasard sont rarement vidés à la fin du repas.
Ma curiosité m'a ensuite poussé vers des vins d'une plus grande digestibilité, d'une plus grande pureté dans l'expression de leur fruit et/ou de leur terroir, cassant surtout avec la monotonie des vins monolithiques. Des vins francs, cristallins parfois mystérieux, jouant plus la carte de la finesse que de la séduction et de la puissance. Des vins que l'on peut facilement passer à côté si on cherche des "Watt" ou si on ne leur laisse pas le temps de s'exprimer. Je pense aux vins du domaine Julien Meyer à Nothalten, à ceux du domaine Bott-Geyl à Beblenheim, aux Crozes d'Alain Graillot, aux Marsannay du domaine Bart, aux Givry de chez F. Lumpp, au château Smith Haut Lafitte blanc...
Aujourd'hui le voyage se poursuit vers des contrées toujours plus mystérieuses. Dans le grand monde des vins de terroir, je suis à la quête de vins toujours moins ostentatoires, au plus proche de leur origine et des hommes et des femmes qui l'ont vu naître. Quand l'extrême finesse s'allie avec complexité et profondeur, quand on retire le fard et que l'on contemple la trame essentielle, on rejoint des sommets de plaisir.
"La quête ultime est la transparence, cette dimension à la fois aérienne et ciselée"
(Denis Saverot dans "In vino satanas!" - Edition Albin Michel)
(Denis Saverot dans "In vino satanas!" - Edition Albin Michel)
Dans des vins de transparence, le frisson s'articule entre un bouquet des plus subtiles et des plus complexes, et un divin toucher de bouche qui transcende le velouté et le soyeux par une mise en abyme troublante des vibrations du terroir. En somme, le but de cette quête ne serait-elle pas de
"N'obtenir que l'expression de transparence des terroirs"
(Aubert de Villaine)
(Aubert de Villaine)
On comprend que dans ces vins:
"Le silence est aussi important que la note (...) ils jouent avec la lumière sans jamais la tuer"
(Roberto Petronio - RVF - mai 2008)
On comprend aussi que de moins en moins comptent les appellations, les étiquettes et autres guides prophétiques. Pour certains d'entre eux, on n'en entendra parler que par le bouche à oreille. C'est une quête personnelle, la recherche d'un chemin non rectiligne, fait d'embûches, de (bonnes) surprises, de rencontres, de diversité. Je pense aux Gevrey de Lucien Boillot, au Richebourg d'A.F. Gros, aux grands Chardonnay d'Anne-Claude Leflaive et à des mythes "aériens" que je n'ai pas encore eu la joie de croiser comme les Chambolle de J.F. Mugnier, les vins de la DRC, du domaine Leroy...
Bien loin des temps hygiénistes et moralisateurs qui courent, c'est lors de ces moments authentiques que l'on rapproche au plus près de la dimension réellement hédoniste et divine de ce merveilleux nectar, à condition bien sûr de... célébrer et partager ces rencontres en digne compagnie.